Ayreon est sans contredit et sans aucun doute l’un des groupes de métal progressifs les plus audacieux que nous connaissions. Leur marche à suivre leur est particulière : ils engagent énormément de musiciens, surtout des chanteurs, pour travailler sur leur album. Depuis quelques années, ils ont intégré une nouvelle sphère de cette manière de fonctionner en donnant à chaque chanteur invité un rôle dans un l’album-concept. Ainsi, ils n’ont pas de chanteur permanent dans leurs rangs, malgré que nous voyions souvent certains noms passer, notamment James LaBrie (Dream Theater), Edward Reekers (ex-Kayak), Floor Jansen (Nightwish), Ian Parry (Elegy), Lana Lane, Damian Wilson et j’en passe.
Sur leur nouvel album, The Source, paru le 28 avril dernier, on peut y entendre entres autres James LaBrie (Dream Theater), Simone Simons (Epica), Tommy Karevik (Kamelot), Tommy Rogers (Between the Buried and Me), Tobias Sammet (Edguy, Avantasia), Hansi Kürsch (Blind Guardian), Russell Allen (Symphony X), Michael Eriksen (Circus Maximus), Floor Jansen (Nightwish). Ils ont même réussi à recruter Guthrie Govan (The Aristocrats), Paul Gilbert (Mr. Big) et Mark Kelly (Marillion) pour que chacun joue un solo sur une pièce.
Leur dernier album, The Theory of Everything, paru quatre ans plus tôt, avait été très acclamé par la critique, posant la barre très haute pour leur prochain album, qui a heureusement su combler largement les attentes de leurs auditeurs. Sur The Source, c’est un métal progressif inlassable et cohérant dans une diversité incroyable qui nous est présenté. L’absence de répétition sur l’album ainsi que l’utilisation d’instruments relativement inusités cause une sorte de coupure temporelle pour l’auditeur ; c’est un total de 88 minutes que l’on voit passer en à peine 10 minutes. D’ailleurs, la recherche musicale orchestrée par Arjen Anthony Lucassen est assez satisfaisante. Comme je le mentionnais bièvement plus haut, il ose utiliser des instruments et des sonorités auxquelles on ne s’attendrait que plus ou moins, et ce avec brio. Je pense entre autres à une alternance brillante entre un mode oriental (le mode hijaz, pour les connaisseurs) avec des extraits opératiques dans la pièce Deathcry of a Race, mettant en contrastes deux mondes musicaux complètements opposés et rattachés au style prédominant de l’album que par un mince fil. En fait, l’utilisation des modes est généralement brillamment, quoique subtilement intégrée. Le plus souvent, ils sont utilisés dans des motifs aux sonorités celtiques.
Ce qui fait l’album, par contre, c’est les différentes voix des chanteurs. C’est des possibilités extrêmement larges auxquelles le groupe était exposé grâce à la participation de treize chanteurs sur l’album. Leur complémentarité emmenait d’ailleurs une complétude indéniable. Cependant, la seule petite lacune sur cet opus réside également dans cet aspect. Les harmonies vocales, bien qu’elles soient riches et bien dirigées, sont trop peu présentes : il en faudrait plus, surtout considérant le nombre d’excellents chanteurs disponibles. Le clavier, pour sa part, joue un rôle très important sur cet album. Il n’a que très peu d’interventions dans lesquelles il est placé à l’avant-plan, mais il joue un rôle de base très solide sous les nombreuses atmosphères des pièces, qui d’ailleurs succèdent les unes aux autres. On entend souvent un certain algorithme d’atmosphère entrecoupant des passages inquiétants, lyriques ou épiques de passages plus agressifs et énergiques dans lesquels la guitare électrique pleine de distorsion est l’élément presque central. D’ailleurs, ces atmosphères défilent assez rapidement, mais on ne sent toutefois pas d’ambigüité : elles sont solidement installées dès leur commencement, ne plongeant pas l’auditeur dans le doute. L’ambiance de l’album est très complémentaire à l’histoire un peu cliché derrière la musique, emmenant un rapport important entre le texte et la musique pratiquement impossible à ignorer.
Finalement, Ayreon ne nous ont pas livré un album basé sur la virtuosité des musiciens comme la plupart des groupes de musique progressive actuelle comme Dream Theater, Animals as Leaders ou Haken ont l’habitude de produire. Il est tout de même important de noter les solos de guitare de maîtres sur The Dream Dissolves et sur Planet Y Is Alive!, interprétés respectivement par Marcel Coenen et Guthrie Govan. Toutefois, c’est des aspects musicaux impeccables qui nous ont été présentés. Cet album fera fort probablement partie des meilleures sorties de 2017 et même des meilleurs albums d’Ayreon.