En 1998 est sorti le EP Hedniskhjärtad du projet du Suédois Andreas Hedlund, Vintersorg. Celui que l'on désigne souvent aujourd'hui comme M. V. a décidé de poursuivre seul là où Vargatron s'est arrêté en 1996, soit donner une nouvelle dimension au black metal de l'époque en utilisant un chant majoritairement clair, des guitares acoustiques et des arrangements plus lourds. Avec les années, Vintersorg a beaucoup évolué pour donner aujourd'hui, avec le septième album sorti (Solens Rötter), un amalgame de ce qui s'est fait à travers les trois premiers albums et les trois suivants. C'est-à-dire un agencement black folklorique très original dans son approche, en premier lieu, qui a ouvert ensuite vers un côté nettement plus expérimental, progressiste. Mais avant que tout ce génie se soit libéré à travers les années, Hedniskhjärtad, un simple EP, faisait montre déjà d'un grand savoir-faire, d'assurance, de talent.
« Cœur-païen » est composé de cinq pièces ne dépassant pas la marque des quatre minutes et demie. Ça a beau être un EP, je le considère, et le considérerai toujours comme un album à part entière. La production est excellente, le choix des morceaux et leur organisation sont parfaits, tous les instruments sont magnifiquement exécutés et la voix est sublime. Toutes les paroles sont écrites en suédois dont la grande majorité est chantée en voix clean. Hedlund a certainement une des voix les plus reconnaissables du monde du métal. Il a participé à plusieurs autres projets dont le plus connu est probablement Borknagar (Empiricism, Epic et Origin), mais aussi Cronian, Fission, Waterclime, Havayoth et Otyg.
« Norrland » ouvre le bal avec une courte introduction où la guitare acoustique s'entremêle au synthétiseur dans une douce mélodie qui, à son apex, nous libère finalement dans le flot des guitares électriques et de la batterie marquant un rythme un peu plus rapide. Les chants clean et guttural s'enchaînent l'un après l'autre avec même, dans la deuxième moitié, un couplet récité. Vient « Stilla » ensuite où une chanteuse invitée (Cia Hedmark) élève sa voix qui parait sortir d'un rêve. Encore une fois, l'alternance de la guitare sèche et électrique tisse une atmosphère dont il est difficile d'y être indifférent. La batterie et la bass ne sont pas vraiment au premier plan, mais sans apposer à « Stilla » un rythme essoufflant – à ce morceau ou à tous les autres d'ailleurs — leur jeu est essentiel. Dans « Norrskensdrömmar », leur importance est primordiale, en particulier pour appuyer l'influence black metal et amener le type de chant qui s'y rattache. « Hednaorden » commence brutalement avec la voix profonde et intense de Hedlund sur la trame complexe et mélodique de la guitare électrique. Le travail des synthés en arrière-plan ajoute comme toujours dans cet album une touche classique ensorcelante. On a droit également à un solo de guitare acoustique où se noue celle électrique. « Hednaorden », avec « Norrland », est sans aucun doute ma pièce favorite d'Hedniskhjärtad. Elle a cette intensité dramatique qui irrémédiablement attire mon attention chaque fois que je l'entends. « Tussmörkret », au contraire, me remplit un lourd sentiment de nostalgie qu'accentuent les quelques couplets récités plutôt que chantés de la voix rauque de M. V.
J'ai écouté et réécouté et encore Hedniskhjärtad, de la même façon que je l'ai fait avec Till Fjälls et Ödemarkens Son. Ces trois albums sont des classiques et ne vieilliront jamais – pour moi du moins. Ce EP est particulièrement cher à mon cœur qu'il est très difficile à se procurer, mais si vous ne le voyez jamais disponible d'achat, c'est une acquisition sûre. La qualité, le talent, la beauté sont réunis dans ce court 20 minutes de jouissance auditive. Je ferais l'erreur de le faire écouter à ma grand-mère si je n'oubliais pas si souvent qu'il y a définitivement une influence black metal sur cette production. Je l'oublie, car la composition des morceaux est telle que s'il n'y avait pas ce côté agressif essentiel au métal, les trois premiers albums de Vintersorg – et celui-ci en particulier – pourraient être agréables aux oreilles tendres des non aguerris. Mais heureusement, je me reprends, Vintersorg allie brutalité et beauté, que demander de plus?