Depuis maintenant un peu plus de deux décennies, Darkthrone trône au sommet de l’art qu’est le Black Métal Norvégien. En effet, il est un des groupes les plus respectés de la planète et avec raison. Il y a de ça quelques années, il a repoussé encore une fois les limites en prenant un tournant très «Old School» et en revenant aux sources de son style musical tout en y ajoutant une touche de Punk très crasseux. Certains iront même jusqu’à dire de façon très imagée que le nouveau Darkthrone ressemble à un coulis de matière noire gluante et sale se déversant dans les oreilles de celui qui porte les écouteurs. «Dark Thrones and Black Flags» est donc le troisième opus de cette vague et, fait intéressant, il ne fut pas composé comme les anciens albums du duo. Cette fois-ci, Fenriz et Nocturno Culto participèrent tous deux à la partie vocale et à l’écriture des pièces.
Tout d’abord, chose certaine, cet effort ne s’éloigne pas de ses prédécesseurs. L’atmosphère très noire et renfermée que dégage leur studio, Necrohell II, se fait ressentir tout au long de l’écoute. Aussitôt que le disque commence à tourner dans le lecteur, un nuage gris provenant de la Norvège vient s’installer au dessus de la tête de l’auditeur et une lourdeur vient se déposer sur ses épaules ne lui laissant aucun autre choix que de froncer les sourcils, d’avancer son menton et de bouger la tête au son de la musique, question de se plonger dans l’état d’esprit le plus grim possible. Dans un autre ordre d’idées, l’humour noir et la haine envers le conformisme des deux musiciens occupent encore une place importante au niveau lyrique. Ils ne se gênent pas pour narguer les «posers» à quelques reprises et ne passent pas par quatre chemins pour le faire. Ils n’ont rien à cirer de l’opinion des autres et cracheront à la figure de ceux qui essaient de les copier. Là est la différence entre les groupes qui font des efforts incommensurables pour paraître «Trve» et ceux qui le sont vraiment.
Au niveau plus musical de l’album, évidemment, Darkthrone ne rime pas avec complexité et technicalité. Côté batterie, les rythmes joués par Fenriz sont toujours aussi efficaces et accrocheurs dans leur simplicité tout en étant relativement différents d’une pièce à l’autre. En ce qui concerne la guitare, les deux maîtres incontestés de l’art du «riff», comme ils se proclament si bien, ont réussi encore une fois à créer des mélodies sortant de l’ordinaire, tout en conservant le côté criard et la rapidité du Black Métal, agrémentées de solos désordonnés et à la limite du psychédélique. Au niveau vocal, l’alternance des deux membres du groupe s’agence tout de même bien avec les chansons même s’ils nous ont habitués à n’entendre presqu’exclusivement Nocturno Culto depuis plusieurs années. Par ailleurs, entre nous, Fenriz n’a vraiment pas la plus belle voix ni la plus plaisante à entendre, mais son côté plus fougueux, détaché et son «Je m’en foutisme» a tout de même un certain charme. Un point négatif est l’utilisation permanente de l’écho du début à la fin. Cet effet était utilisé un peu lors des albums précédents, mais dans «Dark Thrones And Black Flags», il est un peu trop prononcé et devient assez agaçant lors des premières écoutes. Par contre, comme toute autre chose, à la longue, on s’habitue. Autre détail, il sonne beaucoup moins propre que les deux derniers, soit «The Cult Is Alive» et «F.O.A.D.», qui avaient une sonorité très claire. Ceci a pour effet d’augmenter l’effet crasse recherché par Darkthrone.
En résumé, le duo norvégien revient avec un album très solide assurant la continuité de leur nouvelle direction. Encore une fois, ils prouvent à toute la communauté Black Métal qu’ils sont là pour rester et que même après 21 années, ils sont encore capables de se renouveler, de surprendre, de se surpasser et de rester les rois incontestés de leur genre. Ils démontrent aussi que les productions studio à gros budget ne sont pas nécessaires pour créer un produit fini de qualité. Tout est dans l’attitude.