Si je n'avais pas entendu du noise par le passé pour me donner une base de référence, j'aurais pu faire l'erreur d'associer Spektr avec ce mouvement musical. Je décrirai plutôt leur album Mescalyne comme complètement nihiliste. Basé en France, Spektr réuni Hth et kl.K dans un univers sonore distortioné et purement corrosif qui se situerait dans un black metal ni sataniste, ni atmosphérique, ni mélodique et qui se mélangerait d'influences industrielles et ambiantes. Le résultat est définitivement expérimental. Lors des rares intermèdes où les vociférations incompréhensibles se font entendre, c'est l'influence du black metal qui domine avec des guitares électriques chirurgicales et une batterie qui n'use pas particulièrement de blast-beat. En fait, il ne semble même pas y avoir de bass, le ton de l'ensemble veut se situer dans une gamme aiguë plutôt que basse. La principale conséquence est une froideur indifférente, alors que si on compare avec un autre groupe présentant beaucoup de bass, l'aboutissement est essentiellement bilieux. La haine viscérale des deux types est toujours présente, mais la première est reléguée à l'intellect alors que la seconde est fortement liée aux tripes, à ce qui est chaud, bouillonnant. L'usage de multiples distorsions, de grichements, de tintements relègue le tout vers l'industriel, l'expérimental et renforce par le fait même l'insensibilité de l'ensemble. À deux reprises, on capte un discours, l'un d'un homme s'adressant en français énumérant une liste de synonymes portant sur la destruction, et l'autre est une femme parlant allemand, mais malheureusement ma maîtrise de cette langue n'est pas encore assez avancée pour décrire la teneur de l'allocution. Sans structure traditionnelle, c'est difficile de dire que c'est de la musique (sans impliquer un jugement), mais c'en est pourtant.
Mescalyne est un petit album de quatre pièces d'une durée totale de 23 minutes. Je n'ai pas le souvenir d'en avoir entendu d'aussi court. Il s'écoute très bien si c'est son genre de musique, ou si l'humeur y est. La production n'est pas parfaite, mais ça n'a clairement pas été fait dans un garage. En fait, la qualité est assez bonne, mais comment en juger lorsque l'intérêt ici est l'arrangement de sons variés non identifiables, confus et imprécis.
Non, Spektr est ce que je m'imagine comme étant un avatar du nihilisme, le chaos est recherché jusqu'à une certaine mesure; s'il n'y avait pas une certaine logique au tout, ce serait… je ne sais pas. Quelque chose intermédiaire entre du noise et de l'ambiant peut-être, sans être quelque chose qui détruit les tympans, mais sans non plus se départir de son côté autodestructeur et malveillant. Un bon album à écouter lors d'une glaciale nuit d'automne.