C’est au début de cette année que le groupe drone/doom Khanate nous a servi son dernier effort, dans tous les sens du terme, puisque Clean Hands Go Foul a tout juste précédé la séparation annoncée du groupe. Formé de Tim Wyskida à la batterie, de James Plotkin à la basse, d’Alan Dubin au chant et de Stephen O’Malley (reconnu pour son implication dans la scène drone et doom metal, particulièrement en tant que moitié du duo SUNN) à la guitare, Khanate livre ici un album de quatre pièces qui conclut en beauté leur discographie. Le disque est bien abouti et l’on sent que les membres y ont mis tout ce qu’ils avaient afin de terminer en beauté. Bien sûr, le style de musique mis en valeur pourrait par contre ne pas convenir à tous : pour ceux qui ne connaissent pas, Khanate fait dans la musique plutôt ambiante, aux influences tantôt drone, tantôt post-rock, avec des éléments du free jazz et de musique d’avant-garde. Le tout demeure fondamentalement métal par ses sonorités rappelant des groupes comme SUNN, et par son ambiance écrasante et lourde, tapissée de guitares distorsionnées, de sons évolutifs, de cris à la limite du psychotique et de basses fréquences oppressantes.
Le groupe vient par contre moins jouer sur les feedbacks et les drones incessants, étant plus minimalistes que ses compatriotes de la scène drone/doom et même que ses propres premières offrandes. L’ambiance y est moins chargée et beaucoup plus éclatée, alors que les sons fusent de partout et s’entremêlent, créant la musique si caractéristique de Khanate. L’atmosphère est malsaine, froide, glauque et schizophrénique; le tout sert bien le vocal de Alan Dubin, plus torturé que jamais. Les cris intenses et longs s’ajoutent aux poussées sporadiques de violence latente qui hantent chaque mot prononcé avec toute la distorsion naturelle possible d’une voix humaine. Les paroles racontent la désolation, la torture de l’esprit, le mal psychologique, la détresse et bien sûr la violence; bref, elles s’inscrivent parfaitement dans la logique de la musique.
Également, les non-initiés ne doivent pas s’attendre à un de ces éléments si fréquents de la musique plus « normale » que sont par exemple un rythme ou une mélodie. Le groupe joue beaucoup plus sur la manipulation des éléments sonores et des ambiances que sur la construction de mélodies, d’harmonies ou de rythmes. La basse occupe une grande plage sonore alors que ses vibrations nous font ressentir la musique, par de longs sons travaillés et des drones malsains. Stephen O’Malley est comme à l’habitude irréprochable dans son objectif de malmener les sonorités de sa guitare et de fournir des drones et des accords aux fréquences graves, en plus de contribuer grandement à l’ambiance générale. La batterie, quant à elle, ponctue le tout de cymbales et de coups qui, sans être basés sur des rythmes précis, apportent beaucoup dans la construction de l’ambiance et dans l’aspect éclaté de la musique.
En bref, Clean Hands Go Foul est un excellent album dans le genre. Les ambiances créées sont très réussies et les pièces sont différentes entre elles. Une grande tension sous-tend l’ensemble et rend palpable l’opacité de l’atmosphère qui règne aux alentours à l’écoute des quatre titres de l’album. Bien sûr, cela ne plaira pas à tous, mais les amateurs et ceux qui ont un quelconque intérêt dans le style plus ambiant ou encore drone y trouveront leur compte. La boucle est bouclée pour le groupe Khanate, et ses membres peuvent se retirer avec le sentiment de devoir accompli.