C'est en 1993, en Norvège, à Haugesund, qu'a été fondé le groupe black viking Einherjer. À travers une carrière musicale d'une décennie, le groupe aura produit quatre albums et autant d'EP et de MCD en plus de changer souvent de musiciens – chose fréquente dans le milieu du métal. À la fin, pour la réalisation de leur dernier album Blot, il ne restait que trois membres dont seulement deux des quatre originaux, soit Frode Glesnes à la guitare et au chant et Gerhard Storesund à la batterie et au clavier. À eux s'est ajouté un second guitariste, Aksel Herløe.
Blot est le résultat de tout le travail accompli et de toute l'expérience gagnée à travers l'implication assidue que le trio a pu donner à Einherjer au fil des années. Ce résultat n'est pas autre qu'épique! Rassemblant plus de chansons que les publications précédentes – et étant par la même occasion leur plus long album – Blot, d'une durée de 60 minutes et des poussières, se divise en douze morceaux chantés alternativement en l'anglais et en norvégien.
« Einheriermarsien » (la marche des Einherjers) ouvre le bal avec la foudre et le cri d'un aigle au loin auxquels s'ajoute bien vite une fanfare militaire d'un style musical plus classique que guerrier, bien que le pas des héros d'Oden aide à cadencer le tout en un résultat fort entraînant. S'y enchaîne avec aplomb « Ironbound » qui, avec ses deux guitares, alterne entre ces dernières et quelques violons synthétisés. L'ensemble est très mélodique avec cette d'agressivité dont tout adepte de métal fini par s'habituer et ne plus apercevoir autrement que comme allant de soi.
« Dead Knight's Rite » poursuit avec une mélodie encore plus présente et plus intéressante. Au fil des chansons, les riffs ne se complexifient pas nécessairement, mais s'entre croisent d'une façon qui est propre à Einherjer, en faisant, d'une certaine manière, leur signature musicale propre. Dès la décoche de « Wolf-Age », on a droit à un morceau beaucoup plus rapide avec quelques intermèdes plus classiques délicieux qui ne ralentissent pas pour autant. C'est une chanson que j'insisterais pour voir en spectacle, et pour laquelle la mémorisation du couplet-refrain tiré du Voluspo (si je ne m'abuse) est obligatoire! – « Axe-age, Sword-age, Wolf-age ».
« The Eternally Damned » est peut-être le morceau le plus ordinaire de l'album quoiqu'il soit bien aussi, alors que le suivant, « Ware Her Venom », a la qualité de composition à la fois éloquente et sombrement enthousiaste que l'on retrouve dans l'agencement de leurs guitares et des violons.
« Hammar Haus » est la première chanson de l'album en norvégien, et dès les premières notes elle semble plus lourde, tragique, jusqu'à ce que le tempo prenne un peu plus de vitesse avec les guitares et la batterie qui embarquent. La sonorité de la langue n'aurait pas pu être mieux faite : seule une langue nordique peut rendre ce qui est rendu là. À travers les huit minutes du morceau, peut-être le plus épique de Blot, Einherjer réussit ici tout ce que l'on a besoin d'entendre pour être convaincu que ses musiciens ont du talent pour la composition. Mais fort heureusement, ils n'en ont pas terminé avec nous!
« Starkad », encore chantée en norvégien, reprend là où « Hammar Haus » nous laissait. Les riffs sont plus efficaces en agressivité, plus rapides aussi. Elle dure moitié moins de temps que la précédente mais elle est tout aussi géniale.
« Ride the Gallows » commence avec une passe acoustique somme toute classique, simple et belle, puis les guitares électriques et le chant prennent le relais. S'amorce donc ici le deuxième morceau le plus long (mais de peu) de l'album. À vrai dire, « Ride the Gallows » porte une compétition féroce aux deux titres précédents à savoir laquelle est plus épique. C'est une question que je ne m'évertuerai pas à débattre maintenant : la chanson s'achève et commence « Ingen Grid » avec ses quatre minutes de beauté folklorique chantées en chorale. Un excellent intermède pour reprendre ensuite avec « Berserkergang » avec la voix de Frode Glesnes que l'on reconnaît avant même de l'entendre tant elle devient familière à cette étape de l'album. Plus calme, sans pour autant perdre sa qualité typiquement black métal. Mais le rythme est vraiment repris, dans un dernier effort, avec le douzième titre « Venomtongue », un peu plus rapide, pas particulièrement plus agressif que « Ware Her Venom », mais plus mélodique peut-être. On a droit ici a un intéressant solo de guitare – pas le plus technique ou le plus brillant, mais ce qui convient le mieux pour le style et la musique — à la suite d'un autre petit passage de chorale. Puis après avoir décrit ce qui attend Loki jusqu'à Ragnarok, la chanson – et l'album par le fait même — prend fin.
Blot est l'un des albums qu'un fan de Viking metal se doit de posséder s'il tient à connaître les racines de ce qui se fait aujourd'hui dans ce style. Einherjer n'en sont pas bien sûr les grands-pères, mais, d'une façon ou d'une autre, la sonorité unique qu'ils ont su développer au fil des ans et ont réussi à regrouper en cet excellent album a certainement eu un impact important, qu'il soit évident ou non.
Tout ce que je peux reprocher à cet album est peut-être l'invariabilité de la voix du chanteur, mais sa stabilité sonore, d'un autre côté, sert d'ancre aux autres instruments dont la ligne mélodique est beaucoup plus vagabonde. Aussi, je crois que si les violons, flûtes, bref, tous les instruments synthétisés, avaient pu être exécutés par un vrai orchestre, la valeur musicale de Blot aurait été plus riche que ce qu'elle atteint dans cet état. Il est d'ailleurs intéressant de noter qu'il n'y a pas de bass utilisée pour l'enregistrement de l'album : leur dernier bassiste a quitté le groupe en 1999. C'est donc dire que l'absence de ce dernier instrument contribue grandement et sans aucun doute à l'unicité sonore de leur ultime chapitre musical.
Je lève ma corne pleine d'hydromel à Einherjer! Skål!