Weltenbrand nous vient de ce minuscule pays situé entre la Suisse et l’Autriche, à savoir le Liechtenstein, qui veut dire « pierre de lumière » en allemand. Et cet album "In Gottes Oder des Teufels Namen" est en effet un véritable joyau, duquel rayonne une « lumière musicale » riche, sophistiquée et d’une harmonieuse beauté. Cet album n’a rien de metal, pas de grosses guitares saturées, aucun élément rock. Depuis sa création en 1995, Weltenbrand, nous plonge dans un monde ancestral, parsemé de croyances anciennes, de fantômes et de légendes. Synthèse à nouveau très bien réussie sur cet album.
Au delà des paroles traitant de légendes et de revenants ("The Ghost Without a Head", "The Red Ghost" et "Never Touch a Ghost") et celles qui nous font entrer dans un monde obscur et ésotérique ("In God’s or The Devil’s Name"), une vaste panoplie d’instruments contribue à mettre en relief ce trait ancien, passé et traditionnel, alliant le côté mystique et sacré. "The Ghost Without a Head" nous présente cordes, piano, carillons et même orgue, le tout sublimé par la douce et très éthérée voix de Simone Steiner . Cet album nous offre que des instruments classiques qui revisitent une ère oubliée que le groupe désire faire revivre. Chaque instrument, ici, a un rôle bien précis comme un acteur entrant en scène. Par exemple, les cordes au début de "The Bell Carrying Devil" annoncent le caractère angoissant du morceau tout comme à la fin de "Never Touch a Ghost", où elles épousent le crescendo de la chanson, en lui donnant une tonalité sombre et grave. Il ne s’agit que d’un exemple, la liste pourrait être longue.
Le piano lui, adoucit, apaise. Toujours sur "Never Touch a Ghost", il présente le morceau de manière légère et introduit la voix de Simone. Si l’on se fie au début du morceau , rien ne laisse penser qu’il va s’orienter vers une dimension plus tragique suggérée par les violons. Ainsi, l’instrumentation reste pour Weltenbrand un membre du groupe à part entière. Elle n’a pas uniquement une fonction de remplissage, mais s’apparente vraiment à un comédien, devenant plus lointaine lorsque le chant se veut doux, ou au contraire, s’amplifiant pour souligner le tragique vocal.
A noter, l’emploi d’un instrument très rare sur "The Sunken Bath". Le clavecin, instrument produisant un son pincé et qui confère une atmosphère très archaïque et moyenâgeuse. En effet, rares sont les groupes qui ont accordé une place à cet instrument. On pourrait cependant citer deux autres groupes phares de la musique néoclassique gothique qui laissent au clavecin une chance de s’exprimer : Stoa et Ophelia’s Dream .
Voyons à présent ce qu’il en est des voix. Ici, nous en avons deux; l’une féminine et angélique, l’autre, masculine et profonde. Deux voix qui se complètent à merveille, Ritchie Wenaweser sait moduler son timbre en fonction de la voix de Simone pour de pas l’écraser. Toujours dans "The Sunken Bath", nous avons un exemple parfait; Ritchie et Simone chantent en même temps, et sont parfaitement audibles. Lorsque le chant éthéré s’arrête, Ritchie renforce sa tonalité vocale afin de lui donner plus de puissance et de présence. Cette même technique est utilisée sur "The White Horse of Lochgass" et se répète pratiquement sur toutes les chansons de l’album.
En général, de nombreux groupes de metal gothique cette fois appartenant à la tradition "The Beauty and the Beast" comme Tristania, Theatre of Tragedy, Elis ou encore Epica, ont recours au doublet vocal masculin/féminin. Néanmoins, ils font successivement alterner ce doublet, comme si l’ange (la voix éthérée féminine) répond au démon (la voix grave masculine). Même si Weltenbrand s’inspire de ce trait, le groupe innove et se démarque puisque les voix se superposent plus qu’elles ne s’alternent. Un équilibre réussi et parfait est crée.
Nous avons donc ici un album qui rend hommage aux sonorités classiques qui elles-mêmes donnent vie aux thèmes abordés dans chaque chanson, où les spectres qu’ils soient bons ou mauvais, dansent ensemble dans une symbiose parfaite, d’où le titre "In Gottes Oder des Teufels Namen" (Au nom de Dieu ou du Diable en français) si évocateur et qui trace le fil conducteur de l’album.
Ajoutons aussi qu’une surprise rompt avec la continuité néoclassique de l’album. La dernière chanson est en effet un cover/remix par Spiritual Cramp du morceau "The Fiddler", qui apparaît sur un des précédents albums de Weltenbrand, "Der Untergang von Trisona" sorti en 1999. Ici, le classique laisse place à l’élèctro-dark qui permet de montrer que ce groupe néoclassique n’est pas réfractaire à une touche de modernité même si elle reste brève.